D’un côté l’Etat contraint, interdit, limite, taxe, freine et fragilise les entreprises agricoles françaises dont dépendent 15 % des actifs ; de l’autre il ouvre les frontières, acceptant les molécules interdites, les pratiques frauduleuses et les relations sociales douteuses. Cette situation est aggravée par la surtransposition des normes européennes sur notre territoire (le glyphosate n’est qu’un exemple parmi tant d’autres) d’autant plus injuste à la veille de la ratification par l’Assemblée Nationale des accords de libre-échange avec le Canada (CETA) et ceux signés par l’Europe avec le Mercosur. Ces accords vont ouvrir les frontières à des produits alimentaires dont les vertus sociales et environnementales sont loin de nos standards ! C’est pour expliquer tout cela qu’une délégation de JA+FDSEA ont été reçu par Béatrice Lagarde, Préfère de Lot-et-Garonne, le vendredi 5 juillet 2019.
Un accord inacceptable
« Nous ne pouvons monnayer l’agriculture française pour relancer l’économie européenne » s’est insurgé Jacques Chapolard lors de ce rendez-vous… Et pour cause, près de 99 000 tonnes de viande bovine et 100 000 tonnes de volailles vont être acheminées vers le marché européen si cet accord est signé ! Ces 99 000 tonnes de viande bovine vont s’ajouter aux 246 000 tonnes déjà introduites par ces pays (qui représentent déjà ¾ des importations de viande bovine en UE) et entraîneront inévitablement un déséquilibre majeur sur les marchés et d’énormes dégâts dans les filières.
Pour rappel, le 28 juin l’Union Européenne et les pays du Mercosur (Brésil, Argentine, Uruguay, Paraguay) ont définitivement conclu l’accord commercial qui lie les deux groupes de pays. Les négociations autour de cet accord qui durent depuis plus de 20 ans avaient très activement repris à Bruxelles depuis le 21 juin. Cet accord devrait permettre d’augmenter fortement les échanges commerciaux entre l’Europe et le Mercosur. En effet, à terme, 91 % des taxes à l’importation imposées par le Mercosur aux pays européens seront supprimées. A l’inverse, l’UE éliminera 92 % de ces taxes pour les produits en provenance des pays du Mercosur. Pour Jean-Claude Juncker, président de la Commission européenne, il s’agit d’une bonne nouvelle pour les entreprises européennes, les travailleurs et l’économie de part et d’autre de l’Atlantique, car cet accord représente une économie de plus de 4 milliards d’euros par an. Concernant les produits agricoles, plusieurs taxes du Mercosur seront éliminées. Il s’agit de celles sur le vin (27 %), le chocolat (20 %, les spiritueux (20 à 35 %), les biscuits (16 à 18 %), les pêches en conserve (55 %), les boissons gazeuses (20 à 35 %) et les olives. De plus, Jean-Claude Juncker a affirmé que fromages et produits laitiers de l’Union européenne devraient bénéficier de larges quotas sans taxe. De son côté l’Union européenne ouvre largement son marché aux produits en provenance des pays du Mercosur. Il s’agit d’ailleurs de sa concession la plus lourde.
Après avoir longuement débattu sur cet accord, allant à l’inverse des promesses du Président de la République, la délégation a souhaité aborder le sujet brulant des règles d’utilisation des produits phytopharmaceutique.
Un paradoxe franco-français
« On nous demande de monter en gamme et c’est ce que nous faisons, mais nous ne le feront pas sous la contrainte, avec des propositions de plus en plus impossibles à mettre en œuvre et totalement improductives. Certes les électeurs ont verdi les urnes, mais ça ne veut pas dire qu’il faut tuer les agriculteurs » a réaffirmé Jacques Chapolard. En cause, un projet de décret durcissant les règles d’utilisation des produits phytopharmaceutiques, et notamment l’élargissement des Zones de Non traitements ou encore l’obligation d’informer les riverains 12h avant tous traitements. Ce durcissement de la législation n’a jamais été abordé lors des discussions des Etats Généraux de l’Alimentation. Pour Mathieu Drapé, agriculteur en zone péri-urbaine aux portes de l’agglomération agenaise, si ce décret passe « cela nous fera arracher près de 30% de nos pommiers afin de respecter les règles absurdes. C’est impossible à mettre en œuvre, surtout dans des zones pavillonnaires ! Nous passerons plus de temps à informer les riverains et à nous faire insulter qu’à traiter correctement nos champs. Nous avons fait des efforts, notamment dans la réduction des doses, nous nous améliorons sans cesse, mais nous ne pouvons aller plus vite. »
Pour Alain Briffeille ces propositions de décrets « sont juste là pour récupérer un électorat vert à la veille des échéances électorales des municipales ! On sort des secteurs de Zones Défavorisées Simples, on les classe Zones Vulnérables, et on va venir les assommer avec de nouvelles idées sorties du chapeau et jamais discutées à aucun niveau ! Et pour s’assurer qu’ils sont bien morts, on va continuer à signer des traités de libre-échange permettant l’introduction sur le marché des produits à bas coûts de mauvaise qualité sanitaire et surtout impossible à concurrencer. Après le CETA, le Mercosur, quand cela s’arrêtera-t-il ? ». Mais pour ces représentants JA+FDSEA 47 c’est avant tout le consommateur qu’il faut éduquer et rendre compréhensif. Et à ce niveau-là, Claudine Facci ne manque pas d’arguments « Nous ne pouvons pas accepter tout cela. Quand nous entendons les associations écolos dire que les agriculteurs sont tous des pollueurs, nous ne pouvons combattre à armes égales ! elles ont malheureusement pignon sur rue. Je pense qu’il faut éduquer les consommateurs, qu’il faut leur expliquer les réalités de nos métiers et les problèmes auxquels nous sommes confrontés ! C’est pourquoi nous souhaitons développer une charte riveraine dont le but est d’informer les néo-ruraux et enfin en finir avec les idées reçues. D’ailleurs, cette initiative ne pourra voir le jour sans la collaboration de nos partenaires, à commencer par le Conseil Départemental et sa Présidente Madame Borderie, à qui nous avons demandé un rendez-vous. Cette charte, en cours de finalisation a été bien reçu par Madame la Préfète. »
Accords CETA – MERCOSUR, Zone de Non Traitements, pour chacun de ces sujets, une des clés réside dans le dialogue avec les consommateurs et les néo-ruraux. Il est important que le grand public ai conscience que l’agriculture de nos territoires, par son mode de production, sa traçabilité, est gage de qualité. Tous les efforts sont faits pour la rendre plus durable. Mais à force d’asphyxier toujours un peu plus nos agriculteurs, que trouverons-nous demain dans nos assiettes ? Quels paysages seront offerts aux générations futures ? JA+FDSEA resteront attentifs aux positions tenues par les élus lors des commissions à l’Assemblée Nationale, comptant sur leur soutien.
« Le plus sûr moyen d’affaiblir un État, c’est d’avilir la condition du cultivateur. » Philippe-Auguste de Sainte-Foy 1755