Livrant les premières conclusions des Etats généraux de l’alimentation, le 11 octobre, à Rungis, le président de la République a annoncé la mise en place d’une contractualisation rénovée, ainsi que sa volonté de relever le seuil de revente à perte et d’encadrer les promotions, à condition que les filières s’engagent dans des plans de restructuration.
« Je souhaite que nous mettions un terme très clair à ce qui est aujourd’hui devenu une dérive », a déclaré Emmanuel Macron au sujet de la guerre des prix. Lors de son intervention très attendue par la profession agricole, le 11 octobre, à Rungis, le président de la République a fait part des premières mesures qui seront mises en oeuvre pour « permettre aux agriculteurs de vivre du juste prix payé » tout en accompagnant « une transformation profonde » des modèles agricoles pour répondre davantage aux attentes des consommateurs. Première décision, « une contractualisation rénovée avec un contrat qui serait proposé par les agriculteurs et non plus par les acheteurs ». Cette inversion de la construction du prix passera par la loi et permettra de tenir compte des coûts de production. Pour donner davantage de visibilité aux agriculteurs, la contractualisation pluriannuelle, sur des durées de trois à cinq ans, sera encouragée. Parallèlement, le président de la République entend inciter les agriculteurs à se regrouper en organisation de producteurs ( OP ) de type commercial, des OP qui pourraient fixer collectivement les prix et les volumes, et travailler sur les coûts de production en s’appuyant, en partie, sur les travaux de l’Observatoire des prix et des marges qu’Emmanuel Macron propose de renforcer. Le sujet de l’entente sur les prix et les volumes pouvant par ailleurs être problématique vis-à-vis du droit à la concurrence, la France proposera des assouplissements dans le cadre du règlement européen omnibus, mais les filières auront également la possibilité de saisir l’Autorité de la concurrence pour obtenir des clarifications sur ce que le droit permet de faire. Enfin, Emmanuel Macron a promis que « l’Etat prendra quant à lui ses responsabilités pour une pleine application des dispositions » de la loi Sapin II. Le rôle du médiateur des relations commerciales devrait aussi être renforcé.
Des plans de filière attendus fin décembre
Cependant, le président de la République a conditionné deux mesures, plébiscitées par les ateliers, à des engagements filière par filière dans des plans de restructuration qui devront être proposés d’ici fin décembre. Ainsi, Emmanuel Macron est « favorable » au relèvement du seuil de revente à perte et à l’encadrement des promotions, proposés dans l’atelier 5 – Rendre les prix d’achats des produits agricoles plus rémunérateurs pour les agriculteurs – et défendus par les distributeurs à l’exception de Leclerc, et propose que ces mesures soient inscrites dans une loi prenant en compte l’ensemble des conclusions des Etats généraux de l’alimentation et présentée au Parlement au premier semestre 2018. En échange, le président demande aux filières de travailler d’ici la fin de l’année à des plans qui assureraient une production en adéquation avec les attentes des citoyens : « le seuil de revente à perte que l’on augmenterait seul sans demander aucun effort, aucun accompagnement, aucune transformation, c’est une forme de chèque en blanc », estime-t-il. « Ces plans de filières doivent permettre d’assurer aux Français la montée en gamme autour de labels, des signes de qualité, de la bio avec des objectifs chiffrés à cinq ans », prévoit le président. Les cinq milliards d’euros sur cinq ans consacrés à l’agriculture dans le grand plan d’investissement viendront soutenir ces transformations, avec des aides qui devront être versées « rapidement, dans le semestre ». « Collectivement, dans toutes les régions et toutes les filières, nous avons protégé des choix absurdes ( … ) parce que nous n’arrivions pas à régler le problème du prix et des équilibres alimentaires » qui nécessitent, pour Emmanuel Macron, une transformation des modèles vers la qualité, en arrêtant d’essayer de concurrencer des pays comme le Brésil ou la Chine sur du bas de gamme ou sur la productivité. Par ces engagements de filière, le président entend également parvenir à l’objectif de 50 % de produits locaux ou bio en restauration collective d’ici 2022, avec l’appui des projets alimentaires territoriaux. Pour porter l’ensemble de ces mesures, mais également celles qui seront issues de la suite des Etats généraux qui se poursuivent jusqu’en décembre, la loi prévue début 2018 « pourra prendre la forme d’ordonnances pour aller plus vite », a promis le président qui vise « une promulgation complète au plus tard à la fin du premier semestre 2018 ».