Acheter 1 700 ha de céréales en France sans aucun contrôle, c’est possible ! Ni la commission des structures, ni la Safer ne disposent des moyens juridiques pour s’assurer que le projet d’acquisition répond bien aux objectifs des politiques publiques. Il suffit, en effet, d’organiser la cession par le biais de ventes de parts sociales comme cela a été fait récemment au profit d’un groupe chinois dans l’Indre. L’objectif poursuivi par ce groupe est pourtant aux antipodes du mode d’agriculture promu par la France depuis les années 60 et réaffirmé par la loi d’avenir pour l’agriculture en 2014 : aucune installation n’est prévue mais simplement la mise en place de salariés, aucune implication sur les territoires n’est possible à cette échelle, aucun circuit court n’est envisagé puisque la production est destinée à l’exportation.
Le foncier est en train de nous échapper et c’est un véritable danger, tant pour la profession agricole que pour l’ensemble des citoyens, car il répond à l’enjeu crucial de l’accès à l’alimentation et à l’eau, des ressources essentielles à la vie humaine. Ne plus réguler le foncier et ne plus contrôler les structures, c’est-à-dire se situer dans la configuration d’un marché totalement libre, c’est une porte ouverte aux excès, à la financiarisation et à la spéculation, particulièrement préjudiciables à l’installation de nouveaux agriculteurs. C’est aussi une remise en cause totale de l’agriculture française fondée sur l’entreprise familiale ( maîtrise des capitaux et prise de décision par l’exploitant et sa famille ), source d’une production diversifiée et de qualité, d’emploi et de valeur ajoutée pour les territoires.
Face à l’avidité des investisseurs, il est urgent de renforcer les politiques foncières afin qu’elles soient véritablement efficaces dans tous les cas de figure : que la terre soit transmise en direct ou par le biais de cessions de parts sociales, les mêmes règles doivent s’appliquer.