Au congrès de la FNPL qui s’est tenu les 16 et 17 dans le Rhône, le ministre de l’Agriculture s’est montré déterminé à étendre à tous les Vingt-huit la mesure de limitation de la production décidée de manière volontaire lors du dernier Conseil des ministres. Il est ouvert également à des avancées législatives pour conforter la place des producteurs dans les négociations commerciales avec la grande distribution.
« Il faut que l’Europe s’engage à limiter la production. Il ne faudrait pas que certains pays s’engagent à la réduire quand d’autres en profiteraient pour l’augmenter davantage », a déclaré Stéphane Le Foll à l’Assemblée générale de la Fédération nationale des producteurs de lait ( FNPL ), le 17 mars à Saint-Didier-sur-Beaujeu dans le Rhône. Le ministre a tout à fait conscience que l’accord qu’il a décroché à Bruxelles, quelques jours plus tôt, sur la réduction volontaire de la production laitière dans l’Union européenne n’est pas entièrement satisfaisant. Sans réussir toujours à convaincre, le ministre de l’Agriculture est parvenu à calmer les inquiétudes des producteurs de lait. Persuadé de l’arrivée d’une catastrophe sociale si les prix du lait restent très bas, il a lancé un appel aux organisations agricoles de se mobiliser auprès de leurs homologues européens. Jusqu’à présent, a-t-il déploré à plusieurs reprises, à part la FNPL en France, le syndicalisme européen n’a fait aucune proposition susceptible de freiner l’emballement de la production. D’ailleurs la plupart des pays du nord de l’Europe ( Irlande, Royaume-Uni, Pays-Bas, Danemark ) sont hostiles à s’engager dans cette voie.
Quelques instants plutôt, Thierry Roquefeuil, le président de la FNPL avait pointé l’insuffisance de la mesure. « La réunion du Conseil des ministres de l’Agriculture du 14 mars n’a pas été à la hauteur des enjeux », dénonçant ses modalités d’application et notamment « le manque d’incitation financière pour les producteurs de lait à limiter la production ». Conscient de cette difficulté, Stéphane Le Foll a proposé une réunion de tous les industriels européens, sous l’égide du Parlement, pour les sensibiliser à l’urgence de la situation. Il y a en effet le feu dans la maison. L’Europe a déjà stocké en deux mois, 52 000 tonnes de poudre de lait, davantage que dans toute l’année 2015.
Priorité aux producteurs de lait
Si la signature en France de la Charte des valeurs a permis d’enrayer la baisse du prix du lait dans les négociations commerciales entre les transformateurs et la grande distribution, la plupart des industriels ne s’y sont pas engagés. C’est la raison pour laquelle, la FNPL demande d’inscrire dans le marbre les principales dispositions de cette charte. « Si l’engagement des acteurs de l’aval ne se concrétise pas de manière volontaire, il faudra alors passer par la loi… Je vous demande, monsieur le Ministre, de sanctuariser dans la loi, l’esprit de la charte laitière de valeurs », a plaidé Thierry Roquefeuil. Message reçu par Stéphane Le Foll qui a annoncé, dans les jours qui viennent ( le 22 mars ), une réunion de l’ensemble des opérateurs de la filière pour travailler sur la maîtrise de la production et sur des propositions législatives. « La loi Sapin ( qui va être prochainement examinée par le Parlement ) peut modifier des articles de la loi de modernisation de l’économie et prévoir que les négociations commerciales intègre une logique tripartite », prenant en compte l’intérêt des producteurs, a-t-il indiqué. Elle précisera également la non-cessibilité des contrats laitiers, a-t-il poursuivi. Thierry Roquefeuil s’était également prononcé en ce sens quelques instants plus tôt. Alors que les transferts de quotas en France étaient gratuits, « se mettre à payer un droit à produire n’est pas acceptable », notamment pour l’installation des jeunes, a-t-il déclaré.
Le président de la FNPL est également revenu sur le plan de soutien aux éleveurs décidé par les pouvoirs publics, déplorant l’iniquité entre producteurs et les exclusions injustifiées. « L’année blanche est en zone grise. C’est le brouillard et sur le terrain, c’est le parcours du combattant ». Le ministre a répondu que les 50 millions d’euros pour la prise en charge des cotisations sociales MSA et les 50 millions du Fonds d’allègement des charges seraient affectés en priorité aux producteurs de lait. Mais pas question en revanche de doubler le montant de la prime à la vache laitière pour compenser l’insuffisance des prix, parce que le budget européen qui lui est dédié est contraint.
L’interprofession sur la sellette
Le sujet de l’interprofession laitière dont le fonctionnement est actuellement en panne est revenu à plusieurs reprises dans les débats. Beaucoup de producteurs déplorent le manque de retour, alors qu’ils sont les principaux contributeurs. Et ce d’autant plus que l’une des familles professionnelles, les industriels laitiers ne joue pas le jeu et ne souhaite pas lui donner un rôle d’orientation politique de la filière. Néanmoins, on n’en est pas encore là. Après l’arrivée de la Confédération paysanne en 2014, puis celle prochaine de la Coordination rurale, la FNPL ne serait pas hostile à l’entrée de la grande distribution, car « elle a le contact avec le consommateur », a indiqué Thierry Roquefeuil. Le ministre n’y est pas hostile non plus, insistant sur la nécessité de garder « un lieu de discussion et qu’un Cniel intégrant la distribution est une bonne idée ».