A quelques heures de la fin des négociations commerciales entre transformateurs et distributeurs, les grands industriels laitiers, Lactalis, Savencia, Danone notamment, n’avaient pas signé la charte des valeurs de la filière laitière,contrairement aux distributeurs.
La charte des valeurs de la filière laitière qui a été adoptée par l’ensemble des distributeurs, il y a quelques jours, a du mal à convaincre les industriels privés. Seuls trois transformateurs l’ont signée à ce jour : la laiterie Saint Père, Saint-Denis-de-l’hôtel et Triballat. Les principaux industriels, Lactalis, Danone, Savencia ne veulent pas en entendre parler.
Selon Thierry Roquefeuil, le président de la Fédération nationale des producteurs de lait (FNPL), ces entreprises considèrent qu’elles évoluent sur un marché européen, que la matière première est moins chère ailleurs et qu’ils n’ont aucune raison de payer le lait plus cher en France. Heureusement les coopératives jouent le jeu. Dans un communiqué, la Fédération nationale des coopératives laitières (FNCL) indique que sa structure et ses coopératives adhérentes « partagent pleinement le principe et les objectifs de la charte laitière de valeurs et s’engagent à mettre en oeuvre son contenu (…). Avec pour objectif une consolidation de la valeur sur le marché français et une juste répartition de la valeur ajoutée au sein de la filière, il appartient effectivement à tous les acteurs d’agir avec responsabilité afin de sortir d’une spirale déflationniste destructrice de valeur pour tous ».
Malgré l’implication des coopératives, les producteurs ignorent à ce stade si les engagements de la grande distribution, de maintien des prix d’achat 2016 au niveau de ceux de 2015, sur la base d’une valorisation du lait à 340 euros/1000 litres seront répercutés aux producteurs. « On ne sait pas combien on sera payé en 2016 », déplore le président. Rappelant au passage que sur les 200 millions promis aux producteurs l’été dernier par la grande distribution, lors de la table ronde laitière, seuls 100 millions sont arrivés dans la poche des éleveurs, le solde « s’est évaporé » dans la filière. « On attend la fin du salon de l’Agriculture pour faire le bilan. Le producteur ne peut pas être la variable d’ajustement des relations commerciales », poursuit-il.
D’accord pour légiférer
Le président de la FNPL ne cache pas que si le résultat n’est pas satisfaisant, il n’est pas hostile à ce que la loi prenne le relais et qu’elle se substitue aux entreprises défaillantes, dans le cadre de négociations tripartites, associant les producteurs. Le président de la République l’a d’ailleurs indiqué lors de sa visite au Salon de l’Agriculture, le ministre de l’économie, Emmanuel Macron l’a également affirmé : les pouvoirs publics sont prêts à prendre leurs responsabilités si les négociations commerciales entre les industriels et la grande distribution qui se sont terminées le 29 février ne tiennent pas compte de la situation des producteurs. A ce stade, Coop de France n’y est pas très favorable. « On espère que les négociations actuelles n’amèneront pas les pouvoirs publics à prendre une telle initiative », a déclaré Michel Prugue, le président. « On résout un problème à un endroit, mais on ouvre d’autres problèmes ailleurs en légiférant », précise-t-il. Dominique Chargé, président de la section agro-alimentaire de Coop de France, également président de la FNCL, est sur la même longueur d’ondes. « C’est plutôt le comportement et l’état d’esprit qu’il faut changer, plutôt que la réglementation. On ne peut pas compter uniquement sur la loi », estime-il.